Biographie d’Isabelle Chapuis
Isabelle Chapuis est née en 1982 à Paris. Dès l’enfance, sa pratique de la danse et du dessin de modèle vivant oriente son art vers le corps humain. Sortie en 2005 de Penninghen dont elle est diplômée en direction artistique, elle fait le choix de la photographie comme moyen d’expression.
Isabelle Chapuis remporte le Prix Picto en 2010. Deux ans plus tard, son travail est primé par la Bourse du Talent et exposé à la Bibliothèque nationale de France François Mitterrand qui l’intègre dans son fonds photographique. Depuis, son travail est régulièrement exposé dans les galeries et institutions, parmi lesquelles Les Rencontres de la Photographie (Arles, 2023), Le Festival Les Femmes s’exposent (Normandie, 2023), la Galerie Analix Forever, (Genève, 2023), la 110 Galerie (Paris, 2022), le Palais Galliera (Paris, 2018), le festival Planches Contact (Deauville, 2018), Le Grand Musée du Parfum (Paris, 2016), la galerie Bettina (Paris, 2013 et 2015), le Centre d’Art Contemporain du Château des Adhémar (Montélimar, 2016). Son travail est également exposé aux Etats-Unis à l’Espace Snap (2015), ainsi qu’en Asie à la Galerie Paris 1839 (Hong Kong, 2016), au sein du mois Franco-Chinois de l’environnement (Chine, 2016) et au French May (Hong Kong, 2013).
Pouvez-vous nous présenter la série « Vivant, Le sacre du corps » ?
« Mon travail se déploie de la photographie plasticienne à la photographie thérapeutique. Ces deux dimensions se nourrissent l’une et l’autre et ont pour point commun la relation au corps. A la croisée de ces deux pratiques, pendant sept années, j’ai photographié et interviewé des femmes et des hommes sans apprêt. J’ai choisi d’écouter ces détails de l’intime avec lesquels nous venons au monde et qui muent au cours de nos existences. Animée par un désir profond de porter aux nues la dimension sacrée du corps, d’accompagner chacun à s’offrir un regard bienveillant et de contribuer ainsi à changer les représentations. Ce n’est pas la nudité en tant que telle que j’explore, mais plutôt le corps comme demeure de l’âme.
Par-delà les formes humaines, je propose au travers de ce travail une expérience de rencontre du vivant sous ses formes animales, végétales et minérales. Embrassant ainsi les multiples manifestations du vivant dans leurs beautés riches et complexes. La célébration amoureuse du langage du corps abolit l’illusion de la séparation avec le tout. Il dévoile alors sa connexion à toutes les formes de vie. Le tissu de correspondances qui mène sous une destinée commune les animaux, les plantes, l’homme et le monde invisible s’en trouve révélé.
C’est un projet humaniste, les partages des personnes photographiées participent grandement à la dimension sensible et à la portée réparatrice inhérente à ma démarche. J’ai pensé l’ensemble tel un récit de résilience, d’inclusivité, d’amour de soi, d’acceptation, de solidarité, d’espoir… »
Comment vous ai venue l’idée de produire un livre et pourquoi avoir fait le choix de l’auto-édition ?
« Je n’ai pas vraiment choisi l’auto édition, ni cherché d’éditeur. Mon projet a grossi rapidement et tout est allé très vite. Je préparais une exposition à la 110 Galerie à Paris quelques mois plus tard, j’allais présenter pour la première fois ma série Vivant, Le sacre du corps, le fruit de sept années de travail. J’avais donc un corpus d’images et de témoignages important et ce que je pouvais exposer était juste un extrait de ce travail. Je ressentais le besoin de réaliser un support qui réunisse et présente l’ensemble ce travail au long cours. Presque comme une célébration de ce cheminement ! Après toutes ces années, c’était un gros chapitre qui se clôturait, même si ce projet se poursuit encore. En effet, je continue de le nourrir de nouvelles images.
Initialement, je pensais juste produire quelques livres, même pas une dizaine, afin que l’ensemble de ce travail soit disponible et visible dans le cadre de l’exposition. J’entendais que les livres se vendent peu et puis je pensais ne pas avoir envie de distribuer mon livre moi-même. Donc en produire un grand nombre en auto édition ne m’attirait pas. En avançant dans ce projet, j’ai confié la maquette à deux directeurs artistiques de talent, Stéphane=Damien, puis j’ai demandé différents devis pour quelques exemplaires et je me suis vite rendue compte que le coût unitaire était très élevé et qu’en faire plus ne changeait pas beaucoup en terme financier. J’ai alors décidé de lancer une campagne de crowdfunding pour en tirer 120 exemplaires. En quelques semaines ils étaient tous pré achetés et j’ai augmenté l’édition à 200 exemplaires. Quelques temps après le lancement du livre en galerie, il était épuisé et j’ai relancé un deuxième tirage de 300 exemplaires avec l’aide de mécènes : le club de collectionneurs Prisme et le cabinet d’avocats Dante. Cette deuxième édition est aussi arrivée à épuisement en quelques mois et j’ai relancé une 3 ème édition qui va arriver mi-aout. Évidemment il aurait été plus judicieux financièrement d’en imprimer un
grand nombre d’exemplaires dès le départ, mais je n’avais aucune visibilité sur l’accueil de mon livre et la somme d’investissement de départ était impressionnante pour un premier ouvrage. Le coût unitaire du livre étant assez élevé, une fois les commissions des galeries ou des librairies déduites, je ne gagne pas d’argent directement, mais il contribue au rayonnement de mon travail.
Amorcer la campagne de levée de fond sur Ulule était réellement difficile à titre personnel. J’avais l’impression de quémander ; et puis il y a tellement de sollicitations, de campagnes, que je doutais qu’une de plus parmi tant d’autres soit un succès. Il m’a fallu changer de point de vue et comprendre qu’en fait la campagne est un espace de (pré)vente comme un autre. Pour cela, j’ai choisi un objectif de campagne en nombre de préventes et non un montant financier à atteindre. Aussi j’ai été aidé par un proche pour concrétiser la mise en place de la plateforme Ulule et cela a été d’un grand soutien. Comme il s’agit de mon premier livre, je ne savais pas du tout si les gens qui suivent mon travail allait être sensibles à l’acquisition d’un ouvrage. Je suis donc partie sur un objectif de campagne raisonnable et celle-ci a été un succès à 260%.
Finalement je m’occupe moi-même de la diffusion sur la France et la Suisse, cela s’est fait très naturellement, au fil des rencontres et n’est pas contraignant comme je le pensais. Bien au contraire à chaque fois c’est une occasion renouvelée de présenter mon travail de façon
très personnelle et de créer des rencontres, notamment avec les libraires. Aurais-je vendu 500 exemplaires en un an si mon livre avait été distribué par une autre personne que moi ?
Je ne sais pas, cependant il est évident que je ne peux pas diffuser mon livre de façon internationale comme un éditeur le ferait. Je cherche donc actuellement un éditeur étranger de façon à faire rayonner mon projet plus amplement.
Pour un premier livre j’ai trouvé passionnant de passer par tous les postes de travail, de la création, à la conception jusqu’à la distribution. Je souhaiterais que mon deuxième livre soit réalisé avec un éditeur afin de vivre une expérience différente.
Le livre est un véritable support, plus puissant qu’un portfolio.
Cette série et le livre m’ont ouvert beaucoup d’opportunités d’expositions cette année, dont une exposition aux Rencontres d’Arles, à la Fondation Manuel Rivera-Ortiz. Elle est actuellement visible jusqu’au 24 septembre, réalisée avec la Galerie S, fondée par Sidonie Gaychet. La prochaine exposition sera fin septembre en Corée du Sud dans le cadre de la Biennale de Daegu. »
Quel est votre retour d’expérience suite à la production de votre livre ?
« Je suis très heureuse de la collaboration avec Escourbiac. Cela me tenait à cœur de réaliser le livre en France avec une imprimerie éco-responsable. Mon interlocuteur principal était John Briens, il a fait le lien avec l’équipe de production qui se situe dans le Tarn et moi à Paris.
Puis je me suis rendue sur place pour pouvoir suivre de près la photogravure et discuter longuement avec la personne qui imprime. D’une part, cela a permis de finaliser les choix de papier, de reliure, dans les moindres détails jusqu’à la couleur du fil de la reliure. D’autre part, le fait de créer du lien avec l’équipe de production a été véritablement important, je pense que cela a contribué à la bonne réalisation du livre. »