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La Depeche – Yan Morvan : «Le numérique, c’est M. Propre»
Article paru dans la Dépêche du Midi – Actualités – Sorties – Culture – Histoire, le dimanche 11 juin 2017.
La Dépêche du Midi – Yan Morvan : «Le numérique, c’est M. Propre»
En 1970, le photographe a suivi pendant près de trois ans une bande de blousons noirs. A voir tout le mois au festival Map à Toulouse.
Derrière ses lunettes (ici noires) se cache un œil à l’affût. Il analyse en temps réel la lumière, le cadrage, le moment où il déclencherait. Yan Morvan c’est un style, une volonté d’être au plus près de son sujet, de raconter, de témoigner, d’être dans la réalité plutôt que dans l’écume de l’immédiateté. Paris Match, le Figaro Magazine, il a été aussi un grand photographe de guerre pour Sipa Presse. Il est témoin de son temps, et montre pour aider à comprendre. À découvrir au musée Dupuy de Toulouse. Interview.
Quel regard portez-vous sur votre métier ?
Ça fait 43 ans que je fais de la photo et je n’ai jamais été autant à l’aise que maintenant. Je travaille à l’ancienne, comme un artisan, en argentique avec les idées qui prévalaient à l’époque, dans mon style, où il y avait une rigueur de pensée. On travaillait avec les cinq W quand on faisait une image, c’est-à-dire qui, quand, quoi, comment, pourquoi. Aujourd’hui, dans le mode documentaire, on est passé à la photo post-commerciale, avec des portraits qui pourraient être dans des magazines de mode, chez des coiffeurs. Il y a un problème de culture, d’acculturation, un problème de réflexion, d’immédiateté, les gens veulent réussir tout de suite.
Comment définir le style Morvan ?
Je connais la lumière, je peux vous dire à un demi diaf (diaphgramme, ndlr) près le réglage qu’il faut. Quand j’utilise un appareil numérique, j’utilise le mode programme, c’est très bien mais ça donne une photo qui est moyenne. En numérique, tout se fait à la postproduction et c’est le domaine du grand n’importe quoi, si le ciel n’est pas assez bleu je rajoute du bleu… Quand je fais une photo, je raisonne en plus clair et moins clair. Il n’y a pas besoin de retouche. La photo argentique, dans sa dramatisation, est plus proche de la réalité parce qu’on va à l’essence des choses, dans l’âme. Regarde mes blousons noirs, elles sont plus transcendantales ! Les photos numériques, c’est Monsieur Propre.
Quel a été le premier déclic pour ce métier ?
Ce sont trois portfolios, de Don McCullin, Douglas David Duncan et Larry Burrows, publiés dans Zoom en 72-73, j’avais 17 ans, je me suis dit je veux faire ça. La photo de Douglas David Duncan faite en Corée m’avait frappé, je voulais faire la même.
Quels sont vos projets ?
Je travaille sur les zones de non-droit en France, sur le tome II des champs de bataille. Le deuxième tome des blousons noirs sortira à Noël avec des photos couleurs.
Quelle est la place de l’image fixe dans le flot continu d’images ?
Je pense travailler pour les siècles suivants, ce que j’ai fait pour les champs de bataille c’est pérenne. Marignan, c’est une cour de poulailler aujourd’hui, je suis parti à la recherche des mythes. Les gens vont retourner au livre, on a besoin de matérialiser les choses. Un tirage c’est quelque chose qui existe, vous n’avez plus d’électricité vous n’avez plus d’écran.
Selon vous, une bonne photo, qu’est ce que c’est ?
C’est personnel, vous le ressentez ou pas. Ça vous touche, et pas forcément parce que les images sont bonnes, non on sent l’âme du photographe, on sent si c’est sincère.
Votre regard sur ce festival MAP ?
Ulrich Leboeuf a fait un travail formidable. Il faut motiver les gens pour venir, il faut que les gens viennent chercher la culture, c’est le seul moyen pour que la société s’en sorte, pour que la France se rabiboche. Et la photo c’est important parce que c’est ce qui nous représente.
map toulouse pratique>20 expositions tout le mois de juin. MAP 2017 a doublé par rapport à l’an passé. Plusieurs lieux accueillent les photographes. A commencer par le musée Paul Dupuy, totalement repensé par Pierre Garrigues et Ulrich Lebeuf pour l’occasion. On y retrouve huit invités du festival MAP : l’exposition «Blousons noirs» de Yan Morvan, Julien Magre, Sylvie Meunier, Axel Morin, Manon Weiser, Théo Gosselin, Maud Chalard, Mickaël Zermati) ainsi que les trois lauréats des Bourses MAP. Le lieu est un peu le cœur du festival et propose une formule brunch tous les dimanches. Expositions également au Musée Georges Labit (Stanley Greene et les photographes des agences NOOR et Myop). Sur les quais de la Daurade, le festival se poursuit en plein air avec la complicité du site de photographie Wipplay.com qui propose des photographies d’amateurs. Nouveau cette année, le festival accroche les œuvres du photographe Olivier Jobard au couvent des Olivetains, à Saint-Bertrand de Comminges. On y découvrira ses deux expositions, «Tu seras suédoise ma fille» et «Kotchok». Enfin, rendez-vous à la Galerie M, à Toulouse, partenaire de MAP, qui présente une sélection d’œuvres d’Axel Morin. Lieux et programme sur le site map-photo.fr
Recueillis par Sébastien Dubos